On parle de Nous au Quebec « A l’école des cépages : le melon de Bourgogne »

On parle de Nous au Quebec « A l’école des cépages : le melon de Bourgogne »

La terminologie états-unienne parle de melon de Bourgogne alors qu’il porte le nom de latran en Anjou, de plant de Bourgogne (ou petit Bourgogne) en Loire, de muscadet dans le Pays nantais ou encore de gamay blanc dans les environs de Lyon (source : Wine Grapes, Robinson, Harding Vouillamoz – ecco).

Non seulement les experts de la généalogie végétale n’en contestent nullement les divers synonymes, mais ces mêmes sommités trouvent aussi à s’entendre sur ses anciennes origines bourguignonnes (XIIIe siècle). Rien à voir non plus, paraît-il, avec l’aligoté dont il partagerait, à l’instar des chardonnay et Gamay noir, le même croisement historique Pinot X Gouais blanc. Wo les moteurs !

Sans être une sommité, je trouve, moi, qu’il a tout de même ce « son de clochettes » minéral, cet aligoté, sans compter cette filiation sur le plan de la légèreté, de l’éclat et du mouvement élancé.

Un peu comme ce sauteur contracté puis admirablement détendu au sommet de sa perche, avec les pieds fracassant l’azur devenu du coup accessible.

Vous l’aurez deviné, le melon n’a rien du flâneur oisif, contemplatif et désoeuvré. Ça, c’est bon pour le melon pas bon, justement. Fiché, par contre, telle une prise électrique dans des sols où les granites, gneiss, micaschistes et autres gabbro-amphibolites le survoltent sur le plan minéral, ou encore lorsque les rendements et l’élevage sur lies (et sa mise en bouteille sur lies) l’étoffent et l’approfondissent un peu plus ; eh bien, ce même melon s’offre une distinction, que dis-je, une diction qui n’aurait pas déplu à Henri Bergeron animant les Beaux Dimanches à Radio-Canada (nostalgie, quand tu nous tiens !), tant syllabes et voyelles se cisaillent brillamment.

 

Le plus beau de l’affaire, c’est que le melon, hormis en Californie où il est encore identifié comme du pinot blanc, n’est pratiquement planté qu’en Loire-Atlantique, au sud-est de la ville de Nantes. Résistant aux gels, avec un débourrement plus tardif que précoce, c’est sous le climat océanique tempéré mais qui peut être plus rigoureux à l’intérieur des terres qu’il trouve son bonheur.

Pour les tatillons de toponymie et de statistiques, les quatre appellations que sont le muscadet, le muscadet Coteaux de la Loire, muscadet Sèvre et Maine et muscadet Côte de Grandlieu couvrent au total près de 12 000 hectares, pour une production qui avoisine les 78 millions de bouteilles.

Pour résumer : 1) le melon est essentiellement français ; 2) le melon est un monocépage qui se débrouille très bien sans avoir à être assemblé ; et 3), le melon produit un vin qui peut non seulement, dans les meilleures conditions terroirs/millésimes (1997, 1999, 2002, 2005, 2009 etc.), gagner en complexité et tenir sur plusieurs décennies, mais s’assurer de variations aussi subtiles qu’infinies quand vient le moment de passer à table.

Enfin, le melon, bien que jouissant d’une belle popularité avec le fameux muscadet, souffre encore du préjugé voulant qu’il ne soit qu’un p’tit blanc sympa tout juste bon à « désoifer » en série les badauds cimentés au zinc des bistrots. Pour avoir dégusté sur place, il y a une dizaine d’années, d’admirables 1937, 1947 et 1959, sans compter les époustouflants 1976, 1985 et 1989 toujours bien droits dans leurs bottes, je n’ai personnellement pas de problème à m’arsouiller au bistroquet de votre choix !

Histoire de revenir sur le plancher des vaches, la SAQ ne proposait, au moment d’écrire ces lignes, qu’une maigre petite douzaine de muscadets, dont seulement le quart en quantités suffisantes pour vous les proposer. Et cela, au coeur même de l’été !

(…)reserve numérotée 2014 avec filet or

Chéreau Carré 2012 Réserve Numérotée (15,45 $ – 003658 90) : passerais-je pour un sympathique has been mâtiné d’un hipster décalé du Mile-End en vous déclarant sans sourciller que… que… c’est bon ? Juste bon, oui. Rien à foutre des étiquettes ! Tenez, sentez et goûtez : le tracé est exemplaire, direct, précis, avec ses nuances salines légères et sa finale nette et bien emballée. Sans avoir l’air belliqueux, une jolie petite bombe à faire sauter une coquille d’huître pour mieux en déloger le bivalve. (5)★★★

 

 

 

 

Comte Leloup du Château de Chasseloir 2010, Cuvée des ceps centenaires(18,70 $ – 00854489) : il serait pour le moins disgracieux, voire effronté, de fuir du regard et du palais ce petit bijou vendu sous la barre des 20 piastres canadiennes. C’est que le melon sort en grand ce soir ! Et par ici le plateau entier de fruits de mer, tant la connivence avec cette dernière brille par son évidence. Il y a de la richesse, voire de la profondeur avec, derrière, cette main d’acier inoxydable roide et froide de l’extérieur mais sensible et souple à l’intérieur, qui porte bien haut le fruité. Pour les besoins de la science, placez quelques bouteilles en cave, disons jusqu’en 2020, puis servez-le à l’aveugle avec votre beau-frère Gaston qui, lui, a apporté un bourgogne blanc. Et tombent les préjugés ! (5 +)★★★1/2

 

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